KZLAN23 : un immense succès

KZLAN23

La KZLAN23, la levée de fond virtuelle organisée par Karnotz Corp a permis de lever plus de Fr. 22’800.- pour arboRise !!!

960 donations en 48 heures, une performance impressionnante et des moyens vraiment bienvenus pour notre campagne de plantation 2024.

MERCI à tous.te.s les streameureuses qui ont animé infatigablement cet événement, en organisant des défis, en fixant des objectifs, en motivant leurs followers à récolter des dons. Quel travail!

Streameurs et streameuses

Voilà qui change l’image habituellement associée au streaming. Nous avons découvert:

  • une équipe de jeunes soudée, accueillante et très reconnaissante envers l’action d’arboRise pour l’environnement
  • une organisation impressionnante (journaliste invitée, 2 photographes, studio d’enregistrement d’interview)
  • un matériel à la pointe de la technologie
  • une ambiance festive, joyeuse et pimentée de grands éclats de rire et d’exclamations de fierté
  • des centaines de followers qui suivent les jeux et les défis en direct

…bref, tout l’inverse de ce qu’on imaginait. Vive les streamers ! vive les streameuses !

Merci à Antonin « Shine » Victor et à l’équipe de Karnotz Corp de créer ainsi des ponts entre des mondes qui jusqu’ici ce se parlaient pas. Merci aussi à Exploria pour la mise à disposition des lieux parfaitement adaptés. Et MERCI à toutes les donatrices et tous les donateurs pour votre soutien très généreux lors de cette KZLAN23 💚💚💚💚💚💚💚

chez Explorit

 

Fondation de la Coopérative arboRise

assemblée constitutive de la coopérative

Réunir toutes les familles au sein de la Coopérative des familles arboRise de Linko vise plusieurs objectifs:

  1. favoriser la confiance mutuelle entre les familles
  2. offrir un espace d’échange de bonnes pratiques
  3. permettre aux premiers intéressés de définir eux-mêmes, sans intervention d’arboRise, la clé de répartition des revenus des crédits carbone.
Cela mérite une explication.
Certains pensaient, au début, que le projet allait, en quelque sorte, mettre en compétition les familles-terrains et distribuer plus d’argent aux familles sur les terrains desquelles les arbres poussent le mieux. Une forme de rivalité entre les familles et les villages était alors perceptible, chacune critiquant les autres, convaincue d’appartenir à celles qui travaillent bien (une attitude pas si différente de ce que l’on observe en Europe, où chacun s’estime très vertueux en matière d’émissions de CO2, par rapport aux autres).
Or c’est totalement l’inverse qui va se passer, pour une raison très simple : l’auditeur (ou l’auditrice) de notre standard de certification carbone ne mesurera pas la biomasse de chacun des 6000 hectares que nous aurons reboisés dans 9 ans. Il ou elle mesurera le carbone sur un échantillon représentatif. Et les revenus carbone du projet seront calculés à partir de cet échantillon.
Si, parmi cet échantillon, il n’y a, par hasard, que des terrains avec une forte densité d’arbres, tout le monde sera content : la moyenne de l’échantillon sera élevée et toutes les familles – pas seulement les familles dont les terrains auront été mesurés – pourront recevoir des revenus élevés. Mais si, dans l’échantillon, se trouvent des terrains dont les arbres ont été coupés, c’est tout le monde qui en pâtira.
Cette moyenne de biomasse mesurée dans l’échantillon est ainsi un bien commun partagé entre toutes les familles. Toutes les familles ont ainsi intérêt à s’entraider pour que tous les terrains se portent bien et faire fructifier ce bien commun. C’est la raison de la création de la coopérative : offrir une structure qui facilite cette collaboration, pendant les 27 prochaines années. Le projet arboRise renforce ainsi la solidarité au sein des communautés (voir notre charte éthique). La main qui appelle à l’aide se transforme ainsi en une chaîne de personnes qui s’entraident:
arboRisese donner la main
Les statuts de la coopérative initiée par arboRise s’inspirent fortement des recherches d’Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie pour ses travaux sur la bonne gouvernance des biens communs. Ils visent en particulier à garantir la parité de genre au sein du Comité Coopératif, l’organe de la Coopérative qui proposera la clé de répartition des revenus aux membres. N’hésitez pas à nous demander plus de détails sur le mécanisme de partage des bénéfices, si cela vous intéresse.
Fonder une coopérative nécessite de rassembler tous les coopérateurs et coopératrices, 265 personnes dans notre cas. Plus les représentants des Comités de Gestion Communautaires de chaque village et autres représentants des autorités…nous étions plus de 300 au final.
300 invité.e.s pour lesquel.le.s il a fallu prévoir un hébergement, un ravitaillement, un lieu de rencontre, etc. etc. Et tout cela en pleine brousse.
Assemblée Générale de la Coopérative
Une fois de plus, notre partenaire GUIDRE s’est acquitté de cette tâche avec brio. Les familles des villages les plus éloignés sont arrivées le soir précédent et ont été hébergées par des familles de Linko. La radio rurale a pu diffuser une table ronde avec quelques bénéficiaires (photo en bas à droite). Et tout s’est bien passé le jour de l’assemblée constitutive. Il faut dire que nous avions bien anticipé les choses puisque nous avions préparé l’événement avec les Comités de Gestion Communautaires en mai. Un grand MERCI à notre partenaire GUIDRE pour son professionnalisme et son engagement. 
La prochaine étape est l’accompagnement du processus d’élection des organes de la Coopérative lors de la prochaine Assemblée Générale.

Périmètres de conservation

cours d'eau

Pour augmenter l’impact environnemental d’un projet carbone, le Gold Standard demande à chaque projet de définir un périmètre de conservation équivalent à 10% de la superficie du projet. Cette zone doit être préservée de toute activité d’exploitation et ne peut pas prétendre à recevoir de revenus des crédits carbone. C’est véritablement un périmètre dédié à la biodiversité.

Plus facile à dire qu’à faire, car dans le cas d’arboRise cela implique de trouver plus de 180 hectares pour chaque cycle de 1500 hectares. Fort heureusement les communautés avec lesquelles nous travaillons sont très intéressées à préserver leur environnement. Elles savent exactement quels endroits, sur la superficie du village, sont importants. Il s’agit par exemple

  • des têtes de sources (là où l’eau jaillit de terre) qui sont très fragiles et vitales pour fournir l’eau nécessaire au village: pour la cuisine, pour le maraîchage, pour le nettoyage, etc.
  • des forêts sacrées, qui entourent fréquemment les villages et dans lesquelles il est interdit de pénétrer sous peine de très graves ennuis. Ces reliquats de forêt primaire sont de véritable réservoirs de biodiversité, pourvoyant de la nourriture aux animaux et des semences aux alentours. Ces forêts sont également menacées lorsque la modernité remplace les traditions ancestrales.
  • des bosquets où ont lieu les initiations rituelles des jeunes hommes et des jeunes filles.
  • des zones humides: cours d’eau, marigots, bas-fonds, etc. qui abritent fréquemment des espèces rares.

forêt sacrées sacred forest

Ces zones sensibles et précieuses ne sont actuellement que protégées par la tradition et ses gardien.ne.s. Or l’Etat guinéen, dans le Code Forestier, prévoit un soutien aux communautés qui souhaitent protéger certaines zones. Il est possible de procéder à la mise en défens de ces surfaces, ce qui les protège légalement pendant 99 ans. Concrètement cela veut dire que ces endroits sont dorénavant aussi sous la protection de l’Etat, représenté par le service des Eaux et Forêts du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable. Des sanctions sont prévues pour toute personne coupable de dégradation de ces zones protégées.

Chaque village a ainsi procédé à une délibération pour identifier la ou les zones à mettre en défens, le plus souvent des forêts sacrées. Puis ces zones ont été géoréférencées par notre partenaire GUIDRE, dont le directeur est responsable régional du consortium APAC. Chaque village a demandé officiellement la mise en défens au service des Eaux et Forêts et finalement le Préfet de Kérouané a signé les 25 attestations de mises en défens, pour une superficie totale de presque 200 hectares, préservés ainsi de la pression anthropique.

Carte des périmètres de conservation:                                                          Une attestation préfectorale:

zones conservées conservation zonesAttestation du préfet

Les arbres vus de l’espace

2022-035

Depuis une année nous mesurons le NDVI, c’est à dire la biomasse sur les terrains reboisés, à l’aide d’images du satellite Sentinel II de l’Union Européenne. Pour valider cet outil il faut s’assurer que les valeurs des mesures satellitaires correspondent à la réalité observée sur le terrain.

C’est ce que nous avons voulu savoir lors de notre dernière visite de supervision. Nous avons visité 15 terrains reboisés en 2021 et 2022 parmi les plus extrêmes en termes de biomasse mesurée par satellite: en gros les meilleurs et les pires terrains. Sur cet échantillon non-représentatif les observations sur 11 terrains correspondent aux valeurs du satellite (70%). Pour les 4 terrains restants, les valeurs satellitaires sont trop négatives dans 3 cas sur 4.

Les mesures satellitaires semblent ainsi pouvoir être utilisées pour aider nos bénéficiaires en leur disant où se situent leurs terrains, en termes de biomasse, par rapport à tous les autres terrains. Cela leur permettra d’agir en connaissance de cause, par exemple en enrichissant leurs parcelles avec de nouvelles graines ou avec des sauvageons si la biomasse est inférieure à la moyenne.

Voici quelques exemples de bonnes correspondances:

Terrain 2021-034, proche de Oussoudougou. La bonne valeur NDVI de février 2023 en saison sèche (0,211) reflète la réalité sur le terrain:

2021-034

Terrain 2021-015, proche de Diaragberela. La mauvaise valeur NDVI de février 2023 en saison sèche (0,156) reflète la réalité sur le terrain:

2021-015

Terrain 2021-016, proche de Diaragberela. La relativement bonne valeur NDVI de février 2023 en saison sèche (0,203) reflète la réalité sur le terrain:

2021-016

Terrain 2021-056, proche de Konko. La mauvaise valeur NDVI de février 2023 en saison sèche (0,143) reflète la réalité sur le terrain:

2021-056

Terrain 2021-044, proche de Fansan. La mauvaise valeur NDVI de février 2023 en saison sèche (0,183) reflète la réalité sur le terrain:

2021-044

Terrain 2021-031, proche de Talinko. La mauvaise valeur NDVI de février 2023 en saison sèche (0,174) reflète la réalité sur le terrain:

2021-031

Terrain 2022-035, proche de Talinko. La bonne valeur NDVI de février 2023 en saison sèche (0,262) reflète la réalité sur le terrain:

2022-035

 

Et voici les 4 cas de non-corrélation:

 Terrain 2021-004, proche de Linko. La valeur NDVI de février 2023 en saison sèche (0,152) est mauvaise et ne reflète pas tout-à-fait la réalité sur le terrain, qui est meilleure, peut-être grâce à l’effet de la saison des pluies:

2021-004

Terrain 2021-009, proche de Linko. La valeur NDVI de février 2023 en saison sèche (0,163) est mauvaise et ne reflète pas du tout la réalité sur le terrain, qui est bien meilleure:

2021-009

Terrain 2022-150, proche de Linko. Les observations sur le terrain ne correspondent pas avec la bonne valeur NDVI de février 2023 en saison sèche (0,226):

2022-150

Terrain 2022-191, proche de Diaragberela. Les observations sur le terrain touffu ne correspondent pas à la mauvaise valeur NDVI (0,182):

2022-191

arboRise à Scientifica

Scientifica

La foire scientifique Scientifica a accueilli arboRise les 2 et 3 septembre 2023. Organisée par l’ETHZ et l’Université de Zurich, il s’agit du plus grand événement de vulgarisation en Suisse.

Grâce au fond de recherche mis à disposition par ETH for Development, nous avons pu mener de nombreuses recherches importantes sur le terrain.

1️⃣ https://arborise.ch/experimentation-sur-les-boulettes-de-graines/
2️⃣ https://arborise.ch/premiers-resultats-de-lexperience-sur-les-seedballs/
3️⃣ https://arborise.ch/experience-des-seedballs-resultats-finaux/
4️⃣ https://arborise.ch/parties-de-jeu-a-diaradouni/

Merci à @ETH4D de nous avoir invités sur le stand de Scientifica. Nous avons pu ainsi partager nos apprentissages avec de nombreux visiteurs 👨‍👩‍👧‍👦 et aussi mener des discussions prometteuses avec de futurs partenaires potentiels !

Nous sommes vraiment heureux d’avoir pu contribuer à des solutions naturelles basées sur la science grâce à ces recherches.

Planter des arbres est-ce utile?

plantage d arbre

La plantation d’arbres pour sauver la planète est-ce vraiment utile ? On entend parfois cette question. Alors, vrai ou faux ?

« La plantation d’arbres prend beaucoup de temps. »

Vrai et faux. Vrai: une forêt prend une trentaine d’années avant d’atteindre sa taille maximale. Ce qu’on oublie c’est que c’est justement pendant ces premières années que les arbres absorbent le plus de CO2 ! Ensuite, une forêt à maturité conserve le carbone. Elle en absorbe toujours, certes, mais elle en relâche presque autant, sous forme de bois mort qui se décompose. Donc un projet de reforestation a un impact immédiat sur le climat.

« Au début les arbres sont tout petits. »

Vrai. Les arbres que nous plantons atteignent 2 mètres après 3 ans. Mais ce qu’on oublie c’est qu’il y en a beaucoup : environ un petit arbre tous les 3 mètres carrés, sachant que nous semons 10’000 graines par hectare (un hectare = 10’000 mètres carrés), dont 6’000 germent et environ la moitie survit après 3 ans. 3000 petits arbres sur un hectare ça fait beaucoup de biomasse ! Et notre projet de plantation d’arbres couvre 500 nouveaux hectares par année, donc 1’500’000 petits arbres par année !

« Les plantations d’arbres sont fragiles. »

Vrai. Mais une centrale nucléaire à l’arrêt à cause de problèmes techniques ou parce qu’il n’y a plus assez d’eau dans les fleuves pour la refroidir, c’est aussi fragile. Un barrage sans eau parce qu’il ne pleut plus, c’est aussi fragile. Un panneau photovoltaïque par temps nuageux, c’est aussi fragile. Il faut arrêter de croire que la nature est plus fragile que la technique. La nature nous survivra, pas nos machines.

« Réduire les émissions de CO2 c’est mieux que le plantage d’arbres. »

Vrai et faux. Bien sûr que c’est important de ne pas continuer à émettre du carbone dans l’atmosphère, car si nous dépassons 380 Gigatonnes de CO2 d’ici 2032, la température moyenne sur terre va augmenter dangereusement. Et donc il est important d’abandonner les énergies fossiles, d’augmenter l’efficacité énergétique et de moins consommer. Mais il faudra bien, une fois ou l’autre, retirer tout ce carbone de l’atmosphère ! Et ça, seule la plantation d’arbres peut le faire. 

Des étudiant.e.s de l’ISAV sur le terrain

12 étudiant de l'ISAV à Linko

12 étudiants et étudiantes de l’ISAV rejoignent l’équipe d’arboRise/GUIDRE pour réaliser leur travail de fin d’études.

L’Institut Institut Supérieur Agronomique et Vétérinaire de Faranah forme plusieurs centaines de diplômés et diplômées chaque année et propose sept types de formations dans le domaine de l’agronomie : agriculture, agroforesterie, eaux et forêts environnement, économie rurale, élevage, génie rural et vulgarisation agricole. L’ISAV est dirigée par Madame Prof. Mabetty Touré (dont la thèse de doctorat Les rapports de genre et la filière néré en Haute Guinée a été riche d’enseignements pour arboRise).

Notre partenaire GUIDRE entretient historiquement d’étroites relations avec l’ISAV, puisque son directeur exécutif, Saïdou Marega, en est lui-même issu et a fondé GUIDRE alors qu’il était encore étudiant. L’une des missions statutaires d’arboRise étant la diffusion de ses expériences, en particulier dans le monde académique (voir le cours dispensé à Berlin dans le cadre du Joint Master in Global Economic Governance & Public Affairs), nous avons le plaisir d’accueillir 12 étudiants et étudiantes de l’ISAV sur le terrain à Linko. Puisque l’ISAV a pour mission d’assurer la formation initiale et continue dans le domaine agronomique des cadres supérieurs de l’Etat, notre approche pourra ainsi les inspirer dans leurs futures fonctions.

Accuil par le Maire de la CR de Linko

Les 12 étudiant.e.s exposent les sujets de leurs travaux au Maire de la Commune Rurale de Linko

Les 12 étudiant.e.s sont constitués en quatre groupes :

  • L’équipe de Boïdou (Monsieur Koïkoï Inapogui, Madame Mawain Zoumanigui, Monsieur Mamady II Konaté) travaillera sur le thème de l’atténuation du changement climatique par les tonnes du CO2 séquestrés grâce au reboisement diversifié d’espèce d’arbre dans le District de Boïdou.
  • L’équipe de Kogneni (Madame Kolykovo Haba, Monsieur Labilé André Sagno, Monsieur Alfred Lamah) travaillera sur l’approche participative de gestion du patrimoine forestier dans le District de Kogneni.
  • Léquipe de Diaragberela (Madame Kèbè Soropogui, Monsieur Lamine Tokssa Camara, Monsieur Dagnan Onivogui) travaillera sur le reboisement participatif des écosystèmes dégradés dans le District de Diaragberela
  • L’équipe de Konko (Madame Madeleine Guilavogui, Monsieur Cécé Foromo Tokfa Haba, Monsieur Bienvenu Dramou) travaillera sur la gestion des crédits carbones de qualité certifiée, selon le Gold Standard dans le secteur de Konko.

Nous souhaitons bonne arrivée à ces futurs diplômés et nous réjouissons de partager nos connaissances sur le terrain.

On sème !

semées sown gesät

Après la récolte et le mélange des graines, elles sont semées sur les parcelles mises à disposition par les familles-terrains.

Cette activité se fait tous ensemble, en famille ou en groupe. Il y a beaucoup d’énergie et de rires pendant cette étape de la reforestation:

groupe d'ensemencement

bonne humeur

Une partie du groupe fait de petits trous avec la houe (taba en malinké) et l’autre partie du groupe y dépose les graines:

ensemencement en groupe

semer en groupe

Faire ces trous (des « poquets » dans le langage spécialisé) permet aux radicelles de s’établir facilement dans le sol meuble et la petite cavité conserve l’eau de pluie plus longtemps. Ainsi les graines semées germent plus facilement. Pour aller plus vite, certaines familles tracent des sillons avec une charrue tirée par les boeufs. C’est encore plus efficace. Mais tout le monde ne possède pas ces outils luxueux.

Tout se passe dans la bonne humeur:

ensemencement joyeux

Plus de 500 hectares sont ainsi ensemencés avec 5’000’000 de graines issues de 40 espèces d’arbres locaux. Merci à GUIDRE pour l’accompagnement bienveillant de toutes et tous !

Et maintenant, à mère Nature de contribuer à la germination des graines semées. Bien entendu, toutes ne germeront pas immédiatement: certaines espèces sont pionnières et s’adaptent à tous les terrains, d’autres espèces sont plus exigeantes et attendent des conditions spécifiques pour germer.

Un dialogue sur la compensation carbone

Dialogue sur la compensation carbone

Lorsque nous expliquons qu’arboRise va financer la reforestation et rémunérer les familles qui s’engagent dans le projet avec des crédits carbone, les réactions sont souvent partagées. Cette solution de financement n’a pas bonne presse, alors que c’est le seul moyen durable de générer les ressources nécessaires pour un projet comme le nôtre.

C’est lors d’une discussion, cordiale mais assez intense, avec une voisine (par ailleurs convaincue par le projet) qu’a surgi l’idée d’un dialogue sur la compensation carbone.

En introduction de cet échange, le sentiment de Renat Heuberger, fondateur de South Pole, à la fin de la New-York Climate Week: “Ce qui m’a vraiment attristé cette année, c’est cette impression de querelle sans fin au sein de la communauté environnementale. L’élimination contre l’évitement. Les solutions technologiques contre les solutions basées sur la nature. Réductions contre compensations. L’initiative gouvernementale contre l’initiative privée. Et toutes les querelles (principalement entre hommes blancs) pour savoir qui aide le mieux les communautés locales. Avez-vous déjà vu des entreprises de combustibles fossiles s’affronter de la sorte ? Elles fument de gros cigares pendant que nous nous battons les uns contre les autres.”

La voisine : Ces entreprises qui se donnent bonne conscience en compensant leurs émissions de CO2, je trouve ça un peu facile. Qui fixe les règles ? qui contrôle ?

ArboRise : A l’origine, le concept de crédits carbone a été inventé dans le cadre du protocole de Kyoto, en 1997. La plupart des pays étaient conscients des problèmes de déforestation et souhaitaient la stopper. Mais les pays concernés (Brésil, Indonésie, etc.) pouvaient facilement démontrer que cette déforestation était importée : car, en gros, si on coupe les forêts d’Amazonie c’est pour y faire paître des vaches pour fournir des steaks de bœuf à l’Amérique du Nord, si on coupe les forêts en Asie, c’est pour cultiver du soja pour nourrir les porcs consommés par la Chine ou pour faire de l’huile de palme pour faire du Nutella ou de notre pâte à pizza, et si on coupe des forêts en Afrique, c’est pour faire du cacao ou du café consommé en Europe (source : Our World in data). Donc les pays tropicaux disaient : « la déforestation, c’est vous, les pays riches, qui la provoquez. Sans ces exportations nous ne pouvons pas développer nos économies. Dans vos pays aussi vous avez déboisé pour croître. Vous ne pouvez pas nous interdire de nous développer. Si vous voulez que nous stoppions la déforestation, il faudra nous dédommager. ». En gros, c’est ainsi qu’ont été inventé les crédits carbone : un mécanisme où les pays émetteurs de CO2 financent la conservation des forêts des pays tropicaux[1].

La voisine : bon, d’accord, mais la déforestation continue…

ArboRise : oui, en effet, ces mécanismes n’ont pas fonctionné tout de suite. Les pays riches ont certes introduit des lois pour forcer les grands émetteurs de CO2 (entreprises productrices de ciment, d’acier, de charbon, etc.) à payer une compensation, en achetant des crédits carbone, en-dessus d’un certain plafond d’émissions, selon le principe du pollueur payeur. L’idée est géniale : car ces marchés mettent enfin un prix sur une externalité (les émissions de CO2) jusqu’ici gratuite, et ce nouveau coût incite tout le monde à ne plus gaspiller. Hélas, pour rester compétitifs, ces pays ont fixé des plafonds trop élevés et un prix par tonne de carbone très bas, ce qui n’avait rien d’incitatif et le mécanisme n’a pas vraiment fonctionné pendant longtemps. Ce qui est intéressant, c’est qu’à côté de ce marché du carbone régulé, un marché du carbone volontaire a émergé : certaines entreprises ont commencé d’elles-mêmes à financer des projets environnementaux, sans qu’elles n’y soient contraintes par leurs gouvernements. Il faut se rendre compte de ce que cela veut dire : ces entreprises paient ces crédits carbone volontairement ! Personne ne les y oblige. Elles renoncent d’elles-mêmes à des dividendes pour leurs actionnaires.

La voisine : c’est bien la première fois que j’entends que les entreprises font quelque chose de désintéressé !

ArboRise : Oui, en effet, c’est assez fou. Bon, en même temps ce n’est pas si désintéressé que ça ! Si la Migros a son “pourcent culturel », c’est bien parce que cela améliore son image. Et cette question d’image est centrale pour beaucoup d’entreprises. Bien entendu cela a conduit à une sorte de surenchère et à des abus : certaines entreprises ont prétendu agir pour le climat, alors que leurs actions n’avaient aucun impact, ou un impact négatif sur les populations locales. On a commencé à parler de greenwashing. Et c’est là que la concurrence joue un rôle intéressant : les grandes marques, par exemple dans le domaine du luxe, ne pouvant se permettre d’être accusées de greenwashing, elles ont commencé à vouloir prouver que leurs projets avaient un réel impact environnemental et social positif pour se différencier des moutons noirs. C’est à ce moment qu’ont émergé les premiers labels et les premiers standards de certification (par exemple les Livelihood Funds qui fixent des exigences très élevées en terme de durabilité et qui sont financés par de grands acteurs du luxe).

La voisine : oui mais ces labels, c’est de nouveau de la poudre aux yeux. En fait les entreprises achètent des labels pour paraître vertueuses !

ArboRise : Comme dans de nombreux domaines il y a des labels qui ne valent rien et des labels très exigeants. Il faut aussi rappeler que ce sont les ONG qui, les premières, ont critiqué le greenwashing des entreprises. Comme il est un peu facile de critiquer sans fournir de solutions, de grandes ONG responsables ont décidé de mettre elles-mêmes en place des labels contraignants. Par exemple le WWF et 40 autres ONG internationales ont créé le label Gold Standard, qu’arboRise applique. Au début, ces standards de certification ne comprenaient que des aspects environnementaux. Puis, de plus en plus, les exigences ont été renforcées avec des aspects sociaux : protection des travailleurs, promotion de l’égalité hommes-femmes, sauvegarde de la biodiversité, Objectifs de Développement Durable de l’ONU, etc. Et tous les standards de qualité exigent une large consultation des parties prenantes

La voisine : C’est bien joli, mais il doit toujours y avoir un moyen de contourner les règles ou de corrompre ces standards.

ArboRise : Tricher devient de plus en plus compliqué. Car, entre-temps, les règles des standards (Gold Standard, VERRA, Plan Vivo, etc.) sont devenues extrêmement complexes et exigeantes. Pour une petite ONG comme arboRise, impossible d’obtenir une certification sans l’aide de spécialistes qui connaissent ces exigences dans le détail. La conservation de la nature et la réduction des émissions de CO2 est devenue un véritable métier, avec des filières de formation (comme ingénieur.e en sciences de l’environnement à l’EPFL, par exemple) et des sociétés qui conseillent les entreprises pour réduire leurs émissions ou des ONG comme arboRise pour créer des projets respectant les standards. En Suisse on a la chance d’avoir le leader en matière de conseil, South Pole, qui couvre tous les domaines d’expertise : de l’établissement de bilans carbone, à la définition de stratégies de réduction et de contribution carbone. Et pour revenir à ta question : ce ne sont plus les standards qui auditent les projets : ce sont d’autres acteurs, agréés par le standard mais indépendants, spécialisés dans la vérification de l’application de standards. Tu me diras qu’ils peuvent être corrompus, mais c’est leur métier de fournir des preuves impartiales. Ils font tout pour éviter toute corruption, sinon ils peuvent fermer boutique.

La voisine : ça devient compliqué ! Malgré tout, toutes ces entreprises sont quand même motivées par le profit et donc susceptibles d’abus.

ArboRise : Mais le profit n’est pas « sale » 😏 C’est cette incitation qui a permis l’émergence de marchés volontaires, de standards exigeants, d’engager des spécialistes du climat et de l’environnement, d’avoir un impact sur les Objectifs de Développement Durable, etc. C’est un peu aberrant cette fixation sur le profit ! Je te rappelle que les solutions mises en place par les Etats à l’époque de Kyoto n’ont pas fonctionné. On l’a vu avec les marchés du carbone régulés. En plus c’est beaucoup plus facile de corrompre un fonctionnaire ou un politicien que de contourner des règles dans un marché transparent. Car, avec le système des crédits volontaires, tout est transparent : tous les projets sont publiés et tout le monde peut aller le vérifier sur le terrain.

La voisine : Donc c’est pour cela qu’on lit tous ces articles négatifs dans les journaux ?

ArboRise : oui, dans un certain sens, c’est la conséquence de la transparence. Et c’est une bonne chose : cela incite tous les acteurs à s’améliorer constamment. Il y a aussi une forte compétition entre tous ces acteurs : chacun veut démontrer qu’il a les projets les plus durables, les méthodologies les plus robustes et le meilleur impact. Et puis, depuis quelques années, il y a la contribution du GIEC, qui fournit des résultats scientifiques incontestés, sur lesquels tous les acteurs peuvent s’appuyer. La lutte contre le réchauffement climatique nécessite des compétences très pointues. Et il faut bien admettre que de nombreux journaux n’ont malheureusement pas ces connaissances et préfèrent simplifier et polariser pour augmenter leur tirage.

La voisine : tu ne vas quand même pas me dire que The Guardian n’a pas les compétences !

ArboRise : tu veux probablement parler de l’article qui s’attaquait aux crédits carbone utilisés pour lutter contre la déforestation ?

La voisine : oui, cet article qui décrivait les résultats de scientifiques a confirmé tous mes doutes.

ArboRise : alors parlons-en ! Il faut vraiment rappeler que ces scientifiques (Source Material), dont le travail a été relaté par le Guardian, n’ont analysé que les crédits carbone générés par la prévention de la déforestation, appelés REDD+ qui veut dire « Réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation forestière ». Tous les autres projets qui génèrent des crédits carbone (reforestation, énergies renouvelables, efficacité énergétique, etc.) n’étaient donc pas concernés. Malheureusement les gros titres des journaux parlent « des crédits carbone » et jettent ainsi le doute sur tous les projets.

La voisine : oui, c’est vrai que ça crée la confusion. Mais venons-en au fond du sujet : Source Material a comparé les zones protégées contre la déforestation par les projets, et ce qui se passait à côté, dans les régions non protégées. Ils ont constaté qu’il y avait moins de déforestation « à côté » que ce que les projets prétendaient, et donc que les projets avaient surestimé leur impact positif.

ArboRise : En effet, tout l’enjeu est de mesurer la différence entre l’effet du projet (moins de déforestation) et ce qui se serait passé si le projet n’avait pas eu lieu. Pour cela il faut observer ce qui se passe à proximité du projet. Mais c’est quoi « à proximité » ? En fait on ne sait pas comment Source Material a choisi ces régions « à côté », non protégées. Enfin, on le sait : ils ont choisi ces zones arbitrairement, sans méthodologie. Or si le « à côté » que tu choisis ce sont, par exemple, des forêts sacrées, c’est clair que tu n’y verras pas de déforestation ! ou si tu mesures la déforestation à des endroits où il n’y a pas de pression anthropique, tu ne verras pas de déforestation non plus. Cela ne veut pas dire que, là où les projets sont implantés, il n’y aurait pas eu de déforestation. D’ailleurs, après l’article du Guardian, d’autres scientifiques ont fait les mêmes mesures, à d’autres endroits, plus proches des projets, et ont constaté de forts taux de déforestation…, mais cela, le Guardian se garde bien de le publier.

La voisine : bon, admettons. Alors il s’agit d’une question de méthodologie ?

ArboRise : oui, en effet, dans les projets de lutte contre la déforestation on cherche à mesurer ce qui se serait passé dans la zone du projet, s’il n’avait pas eu lieu. Et c’est très difficile. Que ce serait-il passé si on n’avait pas inventé la machine à vapeur ? Que ce serait-il passé si on avait découvert l’Amérique 100 ans plus tard ? Dans ces projets, les méthodologies de calcul de baseline reviennent un peu à faire de l’histoire fiction.

La voisine : oui, mais ne faudrait-il pas imposer des méthodologies crédibles ?

ArboRise : Il faut d’abord laisser le temps aux chercheuses et aux chercheurs de les créer. C’est bien trop tôt pour réguler. Et puis, entre nous, moi je me méfierais que l’Etat impose de telles méthodologies. Ça pourrait être très tentant, pour certains gouvernements, de dicter aux scientifiques comment réécrire l’Histoire, car c’est de cela qu’il s’agit. Mais laisse-moi revenir sur les conclusions de ce groupe de scientifiques du Guardian. Imaginons qu’ils ont eu raison et qu’il y a moins de déforestation dans les zones adjacentes à des projets de lutte contre la déforestation. Ils auraient alors peut-être prouvé ainsi que les mesures de lutte contre la déforestation des projets ont un effet vertueux, aussi sur les régions adjacentes ! Tu vois, on peut tourner ces résultats aussi dans un sens positif. Mais les médias préfèrent la polarisation. [Note: depuis la publication de l’article, de nombreuses études scientifiques ont démontré la superficialité de l’enquête du Guardian: A rebuttal of West et al.Response to West et al., New analysis reveals just how effective REDD+ is, Response to Guardian Article about the effectiveness of projects in the carbon market]

La voisine : Oui, ça c’est bien vrai et c’est vrai ce que tu dis : c’est possible que ces projets aient des effets positifs en dehors de leur zone d’activité, je n’y avais pas pensé. J’aimerais encore juste comprendre ce qui se passe si on constate qu’un projet a menti. Il doit dédommager qui ?

ArboRise : Attention, moi je reste persuadé que l’immense majorité des projets de lutte contre le réchauffement climatique n’ont pas de mauvaises intentions, et même la totalité des projets. Mais admettons qu’un projet a surestimé son impact et que le standard de certification n’a rien vu. La première conséquence c’est que les entreprises qui ont acheté les crédits carbone les ont payé trop cher. Si elles ont payé disons 100’000.- pour 10’000 tonnes de CO2 non-émises, alors que peut-être seules 1’000 tonnes ont été vraiment non-émises, alors ces entreprises ont payé 100.- par tonne de CO2 et pas 10.-. Ces entreprises pourraient exiger un remboursement. Et le standard de certification va exiger une révision drastique du projet. Avec le risque que ce projet perde sa certification.

La voisine : je vois. Donc les projets n’ont vraiment pas intérêt à tricher. Mais, toi, honnêtement, tu y crois à ces projets REDD+ (lutte contre la déforestation)?

ArboRise : Avant de répondre à ta question, j’aimerais revenir sur ces projets qui « trichent » soi-disant. D’une part c’est leur faire un mauvais procès que de les accuser de mentir et d’autre part, j’aimerais bien qu’on parle plus de toutes les entreprises qui ne font rien et donc qui ne s’exposent pas à la critique. C’est de celles-là que les médias devraient se préoccuper ! Maintenant, par rapport à ta question : ma conviction, partagée par le GIEC, c’est qu’il faut deux choses : premièrement il faut réduire les émissions de CO2 et deuxièmement il faut retirer le CO2 en excès dans l’atmosphère. Donc tous les projets qui servent à éviter les émissions des énergies fossiles sont bons : projets de foyers améliorés, de construction d’éoliennes, de promotion du photovoltaïque, du biogaz, etc. Et tous les projets qui servent à absorber du carbone naturellement (reforestation, agriculture régénérative, restauration des mangroves, etc.) sont encore meilleurs parce qu’ils génèrent des services écosystémiques et renforcent la biodiversité. Quant aux projets de lutte contre la déforestation je suis partagé : les forêts matures sont certes des puits de carbone, mais elles absorbent bien moins de CO2 par hectare que les jeunes forêts. Il faut donc d’immenses superficies pour atteindre le même résultat et ces très grands espaces sont difficiles à contrôler. Et, comme on l’a vu, c’est difficile de mesurer la baseline. Ce qui est intéressant c’est que le marché partage mon opinion : les crédits carbone issus de projets de reforestation ont les prix les plus élevés alors que le marché valorise moins les autres types de projets.

La voisine : A propos des prix, on continue à lire que les prix du carbone sont trop bas. Comment tu expliques cela ?

ArboRise : Il y a deux facteurs qui influencent les prix. Le premier c’est la loi de l’offre et de la demande : il y a encore trop peu d’entreprises qui achètent des crédits carbone – volontairement ou parce que les lois les y contraignent – par rapport à l’offre de crédits carbone de projets comme arboRise. Mais les législations changent et la pression sur les entreprises augmente. La demande va augmenter ce qui va pousser les prix du carbone à la hausse. Et ça c’est le deuxième facteur : Plus les entreprises anticipent un prix du carbone élevé à l’avenir, plus elles vont acheter des crédits à l’avance, ce qui augmentera les prix aujourd’hui, ce qui sera bon pour les projets comme arboRise. C’est tout le problème des articles comme celui du Guardian : plus on attaque les marchés du carbone, moins les entreprises pensent qu’elles seront un jour forcées d’acheter des crédits chers, et donc moins elles en achètent aujourd’hui. C’est là que les Etats peuvent jouer un rôle : introduire des législations contraignantes et forcer les entreprises à mesurer leurs émissions, à les réduire et à compenser les émissions résiduelles. A propos du mécanisme de fixation des prix, il y a un effet intéressant à relever: les entreprises peu vertueuses ou actives dans des secteurs particulièrement polluants ont plus de peine à trouver des crédits carbone pour compenser leur empreinte (des projets comme arboRise ne veulent pas être associés à de tels pollueurs). Ces entreprises doivent donc payer leurs crédits carbone plus cher.

La voisine : Si je comprends bien, plus les prix du carbone sont bas, plus il est avantageux pour les entreprises de juste compenser leurs émissions, sans chercher à les réduire.

ArboRise : oui, tu as tout compris. C’est pour cela que nous « militons » pour les crédits carbone : plus les entreprises anticiperont des prix élevés, plus la compensation carbone deviendra chère pour elles et plus cela les incitera à investir plutôt dans la réduction de leurs émissions que dans la compensation.

La voisine : Oui, actuellement, la compensation carbone, c’est un peu un oreiller de paresse pour les entreprises.

ArboRise : Je trouve que c’est aussi un oreiller de paresse de toujours accuser les entreprises. Prenons l’exemple d’une entreprise que je connais bien : Swisscom. J’ai analysé en détail son bilan carbone dans le rapport de durabilité. Force est de constater que Swisscom a déjà beaucoup réduit son empreinte CO2. Son empreinte carbone résiduelle c’est, à 70%, l’achat de smartphones à Apple, Samsung, etc. Pourquoi ? parce que les consommateurs persistent à vouloir remplacer leurs smartphones – comme leurs voitures, leurs habits, etc. – beaucoup plus fréquemment que nécessaire. Et les consommateurs c’est nous.

La voisine : Oui, et c’est pour cela que certaines entreprises lancent des produits « neutres en carbone » qui donnent bonne conscience aux consommateurs…

ArboRise : En effet, aux consommateurs de se responsabiliser et d’aller vérifier que les projets de compensation sont certifiés par un standard exigeant. Je préfère que les entreprises admettent ne pas pouvoir réduire immédiatement toutes leurs émissions et financent de bons projets. Je ne crois pas aux régulations anti-écoblanchiment. Interdire aux entreprises de lancer de tels produits conduira simplement au green-hushing : elles arrêteront de communiquer et on perdra en transparence.

La voisine : bon, je ne sais pas si tu m’as convaincue, je reste méfiante. Je ne crois tout simplement pas que la recherche du profit est compatible avec la durabilité

ArboRise : Libre à toi d’être méfiante, mais il faut se rendre compte que cette méfiance, entretenue par les médias, a un coût énorme :

  • Premièrement cela incite les standards à faire des règles toujours plus complexes et rigides, pour se prémunir contre toutes critiques médiatiques. Et ça, ça devient discriminant pour tous les projets innovants qui ne rentrent pas dans le cadre
  • Deuxièmement ces règles toujours plus compliquées nécessitent le soutient d’expert.e.s formé.e.s dans les pays à hauts revenus. C’est totalement discriminant pour les pays du Global South qui n’ont pas les compétences ni les budgets pour s’offrir ces salaires. Et les pays du Sud restent ainsi dépendants des pays du Nord.
  • Troisièmement cela incite les standards à introduire de nombreuses réserves pour s’assurer contre tous les risques.

Sais-tu qu’environ 50% des revenus carbone d’un projet servent à financer les assurances des standards et les compétences pointues des expert.e.s ? Tout cet argent reste dans les pays riches, alors qu’il serait plus utile dans le Global South pour planter des arbres. Et ça c’est la conséquence directe de la méfiance et de l’aversion au risque de nos sociétés. Dans un monde de confiance réciproque, ces intermédiaires seraient superflus et une entreprise pourrait conclure un accord de compensation/contribution directement avec un projet et les deux partenaires se partageraient la part des standards et des consultants, au profit des communautés locales (c’est ce que fait Romande Energie avec arboRise, soit dit en passant). Donc, chère voisine, reste méfiante si tu veux, mais sois consciente des conséquences : ce sont les populations des pays du Sud qui finalement paient le prix de ta méfiance ! Et ce sont elles aussi qui nous demandent de modérer notre méfiance : https://www.fscindigenousfoundation.org/global-south-voices-in-support-of-redd/

La voisine : tu y vas peut-être un peu fort…mais il y a probablement du vrai dans ce que tu dis. Imaginons que tous les acteurs jouent le jeu et qu’on peut leur faire confiance. Les gouvernements n’ont plus aucun rôle à jouer ?

ArboRise : Au contraire ! Mais il faut réguler de façon efficace. Par exemple la réglementation de l’UE sur les produits issus de la déforestation me semble pertinente. Cela force Nestlé, par exemple, à réduire la déforestation due au manque de traçabilité du cacao.

La voisine : Oui, en effet, Nestlé vient d’annoncer qu’ils abandonnaient la compensation carbone. Mais n’est-ce pas une mauvaise nouvelle pour arboRise ?

ArboRise : c’est toujours mieux de réduire les émissions de CO2 dues à la déforestation, que de compenser. Concrètement notre projet n’est pas touché parce que la noix de cajou, cultivée en Guinée, n’est pas (encore) inclue dans ces produits pour l’instant. Si elle était inclue, ce serait positif pour notre projet, car cela découragerait les cultivateurs locaux de remplacer « nos » arbres par des plantations d’anacarde (les arbres qui produisent les noix de cajou). Une autre bonne régulation, c’est la taxe carbone de l’UE qui pénalise le CO2 exporté (CBAM: Carbon Border Adjustment Mechanism): les entreprises qui délocalisent juste pour pouvoir polluer ailleurs et réduire ainsi leurs coûts de production ne pourront plus le faire sans payer une taxe. Cela va renchérir les prix du carbone et forcer les entreprises à revoir leurs chaînes de production.

La voisine : Finalement, tout cela est encore très mouvant et incertain. Que va-t-il se passer à long terme à ton avis ?

ArboRise : tous les articles négatifs sur les marchés du carbone vont contribuer à renforcer les exigences et à inventer des méthodologies robustes. Cela aura un coût : les projets deviendront plus chers et les prix du carbone augmenteront aussi à cause de cela (c’est d’ailleurs ce qu’on observe sur le marché : les prix des crédits carbone des projets récents sont plus élevés que ceux des projets réalisés avec de « vieilles » méthodologies). En aucun cas les marchés du carbone ne disparaîtront. Je pense aussi que peu à peu on va réduire les émissions de CO2 des énergies fossiles grâce aux efforts de réduction des entreprises et aux régulations judicieuses, en espérant que les consommateurs feront aussi un effort. A très long terme, la conséquence sera qu’il y aura de moins en moins d’argent pour des projets de réduction d’émissions (REDD+, solaire, efficience énergétique, etc.). Par contre on aura toujours besoin de retirer les Giga-tonnes de CO2 en excès dans l’atmosphère pour diminuer le réchauffement climatique et « climatiser » (sans climatiseurs !) nos régions de plus en plus surchauffées. Or seules les solutions basées sur la nature, en particulier la plantation d’arbres, le peut aujourd’hui. Il y aura toujours un avenir pour la plantation d’arbres car ils permettent de décarboner l’atmosphère.

La voisine : ça c’est une bonne nouvelle et j’y serai toujours favorable. Mais je reste sceptique par rapport à ces nouvelles indulgences que représentent les crédits carbone. Tu sais, au Moyen-Âge, acheter des indulgences permettait aux pêcheurs d’obtenir que le clergé intercède auprès de Dieu pour s’éviter le passage au Purgatoire. Ça déléguait l’expiation des péchés. Un peu comme la compensation carbone.

ArboRise : Ah, tu as gardé cet argument pour la fin ! Je te rappelle que s’il y a eu des indulgences c’est qu’on a commencé à faire peur aux gens par rapport au purgatoire. Les gens n’allaient plus à confesse pour se repentir de leurs fautes mais par peur d’une punition après la mort. Aujourd’hui aussi on fait peur aux gens. De nouveaux luthériens affirment que les péchés écologiques devront s’expier dans la douleur. Il faut souffrir, et si possible il faut que les riches souffrent. C’est comme si on s’interdisait une transition écologique facile. Moi je suis persuadé qu’il faut que la transition se passe en douceur pour que l’ensemble de la population accepte le changement. Adopter des mesures de compensation carbone est un des moyens de faciliter cette transition. Je te rappelle que la suppression des indulgences a mené aux guerres de religion. Alors, oui, la compensation carbone c’est une forme d’indulgence, mais elle est utile pour une transition en douceur.

La voisine : bon, on a bien discuté. C’était vraiment intéressant et j’ai appris plein de choses. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

ArboRise : c’est simple, allons planter un arbre !

[1] On estime les ressources fournies à des projets carbone à $ 2 milliards en 2022 et 50 milliards en 2030. Ce sont d’immenses ressources pour les pays du Global South. Source : McKinsey

L’Ecole Nouvelle soutient arboRise

vente de pâtisseries Ecole Nouvelle

Merci à la direction de l’Ecole Nouvelle de la Suisse Romande, et en particulier à Mme Saadia Guetta, pour le soutien apporté aux activités d’arboRise !

Le 10 janvier 2023, nous avons eu le plaisir de présenter les activités d’arboRise ainsi que le contexte guinéen à plus de 50 élèves de 10 à 14 ans de l’Ecole Nouvelle, tous attentifs, curieux et très respectueux. Les enseignants ont pu poursuivre la réflexion avec leurs classes, parfois sur des notions de géographie, ou en approfondissant les aspects botaniques, ou encore sur le thème de « L’homme qui plantait des arbres« , la nouvelle de Jean Giono à l’origine du projet arboRise. Et surtout les élèves ont ensuite confectionné et vendu de savoureuses pâtisseries, pour un bénéfice reversé à la fondation arboRise.

l'Ecole Nouvelle soutient arboRise

Merci à toutes et à tous pour cette aide bienvenue, qui contribuera directement à la lutte contre le réchauffement climatique et à l’atténuation de ses effets sur les populations les plus touchées.