Mesurer la déforestation

poster déforestation

Il est parfois reproché aux projets de reforestation de ne faire que déplacer le problème en provoquant de la déforestation sur d’autres terrains à proximité. Pour cette raison, ce phénomène appelé « leakage » (fuite), est mesuré précisément dans tout projet de certification carbone.

C’est dans ce contexte qu’arboRise, comme en 2024, a lancé un Design Project en collaboration avec l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). Ce projet de recherche a été mené par Etienne de Labarrière et Aurélie Sakic, sous la supervision de Charlotte Grossiord, Tenure Track Associate Professor, du Plant Ecology Research Laboratory.

Dans la région du projet les cultivateurs pratiquent l’agriculture sur brûlis (slash and burn agriculture) : sur ces sols pauvres, les cultures provoquent rapidement une baisse de la fertilité qui nécessite la mise en jachère des terrains sur plusieurs années pour que le sol se régénère. Lorsque le sol est à nouveau fertile, la végétation qui a poussé sur le terrain est coupée puis brûlée pour que les cendres transmettent leurs sels minéraux aux nouvelles cultures. Et ainsi de suite.


Pourquoi les sols tropicaux sont-ils pauvres? la forte humidité et les températures élevées provoquent une décomposition rapide de la végétation morte. Le carbone présent par exemple dans les branches mortes s’échappe ainsi dans l’atmosphère sous forme de CO2 et n’a pas le temps d’être absorbé dans le sol, donc le sol manque de carbone organique. D’autre part les fortes pluies lessivent le sol et en retirent l’azote et les sels minéraux.


agriculture sur brûlis

Lorsque l’on se déplace dans la région de Linko il est frappant de constater que la couverture végétale ne dépasse généralement pas 20 mètres de hauteur. C’est un indice que l’ensemble du territoire est concerné par l’agriculture sur brûlis. En fait la plupart des « forêts » que l’on observe ne sont que de plus ou moins vieilles jachères. Tout le périmètre n’est qu’un immense champ à différent stade de culture/jachère et les vraies forêts naturelles sont rares.

Le défi de nos deux chercheureuses a été de mesurer les défrichements sur une très longue période, puisqu’un cycle de culture dure environ 15 ans (5 ans de culture, 10 ans de jachères). Le deuxième défi est que la durée du cycle de culture n’est pas homogène : il est plus court sur les terrains fertiles, par exemple dans les lits de rivières, et il dépend également de la main d’œuvre disponible, de la distance au village, etc.

Nos deux spécialistes ont commencé par identifier, sur les vues aériennes historiques de Google Earth, des parcelles qui passent d’un état boisé à un état cultivé.

Deux exemples de passage d’un stade de jachère à un stade de culture entre 2015 et 2021 :

Défrichement

On compare ensuite, pour les coordonnées de chaque parcelle, les valeurs de NDVI (Normalized Difference Vegetation Index, une mesure de la santé de la végétation) de l’année « boisée » et de l’année « cultivée », après avoir normalisé le NDVI annuel grâce à des zones neutres (villages, routes, etc.). On constate une différence de NDVI significative entre le les zones boisées et les zones cultivées ou en jachère. Il est ainsi possible de déterminer un niveau de NDVI au-delà duquel un terrain peut être considéré comme boisé et en-deçà duquel il est cultivé.

NDVI boisé et NDVI cultivé

On peut ainsi, en détectant des baisses soudaines de NDVI, déterminer pour chaque année quels terrains ont été défrichés. Sur l’exemple ci-dessous, pour les années 2024-2025, on constate que la superficie défrichée en une seule année (en rouge) est très importante, ce qui confirme que la pratique de la culture sur brûlis est l’usage courant dans toute la région:

stades de cultures à Linko

Ensuite, autre défi d’Aurélie et Etienne, il est nécessaire de délimiter les limites des villages. Car, si le projet arboRise provoque des déboisements, ce sera dans les villages du projet et pas dans les autres. Or il n’y a pas de cadastre dans ces communes rurales. Il n’existe pas de carte des frontières des villages. Nos deux chercheureuses ont donc formulé des hypothèses de travail :

  • Les parcelles du projet arboRise d’un village donné forment les contours d’un polygone qui, augmenté d’un buffer proportionnel à la population du village, représente les limites du village
  • Les frontières naturelles (rivières, bassins versants) ou anthropiques (routes) forment des limites aux villages

Ielles ont ainsi pu définir les frontières approximatives des villages :

Limites des villages

 

 

 

 

 

On constate que ces délimitations fictives semblent correspondre à la réalité puisque les zones déforestées se conforment à ces limites, ici l’exemple du village de Massenadou :

défrichements à Massenadou

Restait ensuite à calculer la tendance à la déforestation par village :

déforestation par village

On observe une diminution de la déforestation dans les villages du Nord du périmètre alors que les défrichements s’accroissent dans les villages du Sud, indépendamment du fait qu’ils fassent partie du projet arboRise ou pas. Ceci est dû soit au microclimat, le Nord recevant plus de pluies que le Sud, soit à l’accroissement de la pression anthropique, le Nord, loin des infrastructures, se dépeuplant plus que le Sud. Ces variations Nord-Sud peuvent peut-être aussi être provoquées par le facteur de normalisation de NDVI, pris sur la moyenne des villages non-arboRise.

Ces données permettent finalement de se confronter à la question initiale : y a-t-il une augmentation de la déforestation dans les villages arboRise à cause du projet arboRise ?

Les deux scientifiques ont comparé d’une part le taux de déforestation dans les villages du projet avant et après le début des activités et d’autre part le taux de déforestation dès le début du projet entre les villages arboRise et les villages non-arboRise. Dans les deux cas ils ne constatent pas de variation significative de la déforestation.

Déforestation avant après par village

Déforestation village arboRise - villages non-arboRise

Bien entendu il sera nécessaire de répéter cette analyse ces prochaines années. Il faudra également accroitre la précision de la mesure. En effet, seules les familles-terrains participant au projet arboRise pourraient être, indirectement, contraintes par le projet à accroître leurs défrichements. Pour cette analyse fine nous devrons au préalable délimiter manuellement l’ensemble des parcelles des familles-terrain du projet pour vérifier si, dans ces périmètres spécifiques, la déforestation augmente significativement. Et enfin il faudra prouver la causalité.

Pour le projet arboRise la méthode adoptée par nos deux chercheureuses est pertinente, même si elle peut encore être affinée (choix du seuil NDVI, source des données et période analysée, normalisation du NDVI, etc.). Il est ainsi possible de vérifier année après année les éventuels effets collatéraux du projet, pour leur trouver des solutions (apport de bio-fertilisants pour accroître la durée des cultures, fourniture d’outils pour augmenter la productivité agricole et réduire l’empreinte au sol de l’agriculture, choix de semences, etc.).

Merci infiniment à Etienne de Labarrière et Aurélie Sakic pour leur contribution majeure à notre meilleure connaissance du phénomène de la déforestation !  L’intégralité de leur rapport est disponible ici.

Télédétection des feux

Les autorités de la sous-préfecture de Linko nous ont demandé un appui pour les aider à détecter les feux de brousse et ainsi faciliter l’extinction d’incendies non-maîtrisés. Comme en 2024, nous avons lancé un Design Project en collaboration avec l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), mené par Elena Thomas, sous la supervision d’Alexis Berne, Associate Professor, Environmental Remote Sensing Laboratory.

Les technologies de télédétection utilisées par arboRise jusqu’ici, basées sur le satellite Sentinel 2, ne permettaient pas d’identifier tous les départs de feux, et de loin, à cause de la longue période de révolution du satellite (5 jours). Quant aux autres systèmes d’alerte (Global Forest Watch, Fire Alert de Plant for the Planet) leur résolution était trop imprécise.

Pour pallier ces défauts, notre chercheuse a opté pour une approche innovante : mesurer les superficies brûlées plutôt que les départs de feux. Sur la base des images Google Earth de 2024, sur lesquelles les surfaces brûlées sont très clairement visibles, Elena est parvenue à entraîner un logiciel permettant de reconnaître des zones touchées par les feux pour chaque année, en utilisant des techniques d’Intelligence Artificielle.

Vues aériennes de surfaces brûlées :

Zones brûlées sur Google Earth

Zones d’entraînement du modèle :

Zones d'entraînement du modèle

Etapes de classification pour la zone A:

Classification zone A

Matrice de confusion pour comparer la vérité terrain et la prédiction par le modèle :

Matrice de confusion

On obtient ainsi une précision de détection de 93% et Le modèle permet de cartographier les surfaces brûlées (en rouge) chaque année sur la zone du projet:

   

Ces images presque incroyables au vu de la surface immense des zones brûlées confirment que le feu est l’un des outils principaux des cultivateurs et éleveurs :

  • Pour éliminer les mauvaises herbes (à la place d’herbicides chimiques)
  • Pour favoriser la pousse d’herbe fraîches pour nourrir le bétail en saison sèche
  • Pour rabattre le gibier lors de la chasse
  • Pour défricher des jachères et fertiliser les nouveaux champs (sans fertilisant chimique)
  • Pour enfumer les terriers de rongeurs et les éliminer
  • Pour les travaux d’apiculture
  • etc.

Il faut rappeler ici que les feux préventifs sont recommandés par l’Etat guinéen, comme dans la plupart des pays voisins, après la saison des pluies, pour empêcher la formation de stocks de matière combustible qui pourraient provoquer des incendies dévastateurs. Pour la plupart, les feux sont bien maîtrisés, mais il arrive qu’ils échappent au contrôle de leur auteur, et c’est pour cela qu’un système de télédétection est utile.

Dans la perspective du projet arboRise il est intéressant de noter que la superficie brûlée a diminué depuis le début de nos activités à Linko : 41.5% en 2019-2020 et 38.6% depuis 2021 (- 7.5%), ce qui est peut-être dû à nos mesures de sensibilisation et d’incitation dans les villages.

L’analyse permet également d’identifier les surfaces brûlées chaque année de manière récurrente (ci-dessous à gauche – on constate que les feux récurrents correspondent aux lits des cours d’eau) et de les comparer avec les zones fortement reboisées par arboRise (image de droite):

Croisement des deux images ci-dessus:

Sur cette base il est possible d’identifier les emplacements optimaux pour un système de télédétection :

En effet, la comparaison détaillée, par Elena, de plusieurs types de systèmes de télédétection (drone, ballon sonde, caméra thermique, caméra optique, etc.) a montré qu’un réseau de caméras optiques montées sur des mats serait l’option la plus pertinente, pour un coût d’environ 1000 CHF par unité. Une unité permettant de détecter les feux 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, de jour comme de nuit, sans maintenance humaine et sur une superficie de 8 km2.

Ces résultats sont extrêmement utiles pour arboRise et nous exprimons nos très vifs remerciements à Elena Thomas pour son engagement passionné dans ce projet de recherche et ses résultats innovants. Le rapport final est disponible ici et nous ne manqueront pas de le partager avec les autorités de Linko et le service des Eaux et Forêts.

Clé de répartition

délibération sur la clé de répartition

Quelle sera la bonne clé de répartition des futurs revenus carbone? c’est la question sur laquelle le Comité Coopératif s’est penché le 14 mai.

On se souvient que l’un des objectifs principaux de la Coopérative et de son Comité Coopératif, formé par des représentant.e.s de chaque village (en majorité des femmes) élu.e.s démocratiquement, est d’élaborer une clé de répartition des revenus carbone. En effet, ce n’est certainement pas à arboRise de définir comment ces revenus seront partagés entre les coopérateurs. Ce choix doit être fait par les premiers concernés, en fonction des traditions et des usages locaux.

Pour préparer cette discussion nous avions fait réfléchir les premiers concernés, les familles-terrains, lors de visites dans chaque village. 88% de tous les coopérateurs avaient participé à cette consultation, qui se rejoignaient sur le consensus suivant:

  • Le respect des règles de la coopérative par chaque coopérateur doit être récompensé proportionnellement à l’effort que coûte le respect de chaque règle. Par exemple certaines règles « coûteuses » (installation des pares-feux autour des terrains) doivent être mieux rémunérées que les règles simples (installation des rubalises pour signaler les terrains)
  • Bien sûr que ceux qui s’engagent beaucoup pour favoriser la croissance des arbres sur leurs terrains doivent être récompensés, mais il faut aussi donner un peu aux « non-méritants » car sinon ils risquent de quitter le projet
  • Il faut (très clairement) récompenser le résultat (la densité et la hauteur des arbres sur les terrains) et pas l’effort qui a été nécessaire pour obtenir ce résultat
  • Les facteurs extérieurs (infertilité du terrain, feux, etc.) ne sont pas à considérer comme des fatalités : c’est la responsabilité de la famille-terrain si elle a choisi un terrain peu propice ou si son terrain a été touché par des feux.

Puis, cette année, nous avons engagé les mesureuses pour évaluer la qualité de la maintenance des terrains reboisés et la croissance des arbres. Ainsi la performance de chaque terrain est connue de tous et toutes.

Le 14 mai nous avons fourni un cadre de réflexion pour le Comité Coopératif de la Coopérative pour faciliter la définition de la clé de répartition des revenus carbone. Attention ce n’est pas une décision mais une proposition qui sera soumise à l’approbation des familles-terrains lors de l’Assemblée Générale de la Coopérative.

Nous avons commencé par rappeler les résultats de l’ « exercice des bâches », en 2024 dans tous les villages, puis par exposer les résultats des mesureuses et des observations satellite. Chaque dimension (feux, respect des règles, croissance des arbres selon les résultats des mesureuses et des images satellites) est traduite par un système de points par terrain, qui, additionnés, fournit un résultat par famille-terrain, que l’on peut également analyser par village, etc.

Malgré la relative complexité du calcul de points et de la visualisation graphique, tous et toutes ont très bien compris le principe. 

Puis nous leur avons proposé de se concerter et de décider au sujet de deux points :

    1. Dans quelle mesure la clé de répartition doit-elle récompenser les méritants et pénaliser les « paresseux » (l’adjectif est des participants!) ? Nous leur avons bien expliqué qu’une clé de répartition trop extrême pourrait créer des différences très importantes entre les familles-terrains et conduire à des conflits. Suite à leur délibération les membres du comité coopératif ont décidé que la clé de répartition devait conduire à une faible différence entre méritants et moins méritants. Une sage décision
    2. Comment déterminer la part des revenus carbone allouée aux villages ? Là aussi, il faut tenir compte des désirs des familles-terrains de maximiser leur revenu mais aussi de l’impact positif qu’aura un montant pour la réalisation d’infrastructures collectives (ou sur d’éventuelles personnes jalouses, dans les villages). Le Comité Coopératif propose de faire voter un montant de 10% au profit des villages lors de l’AG.

Concertation sur la clé de répartition  Vote sur la proposition de clé de répartition

Les membres du Comité Coopératifs se concertent d’abord en groupes, puis restituent en plénum, et enfin votent à main levée.

Ce premier exercice de réflexion au sein du Comité Coopératif est un succès. Il montre qu’il est parfaitement possible de déléguer ce genre de responsabilités aux organes de la Coopérative. Les membres sont très conscients de leur responsabilité et un véritable dialogue a lieu (une délibération, selon les recommandation issues de la supervision éthique). Cette réflexion aura lieu chaque année, avant l’Assemblée Générale de la Coopérative. Au fil des réunions nous ajouterons des éléments de réflexion (par exemple nous n’avons pas proposé une discussion sur la pondération des dimensions feux/règles/croissance). Nous devrons particulièrement veiller à ce que les femmes du Comité Coopératif s’expriment plus longuement.

Visite de due diligence

Fréquemment les bailleurs potentiels désirent vérifier nos activités sur le terrain. C’est bien normal puisque l’investissement est important et nous apprécions beaucoup ces visites qui nous permettent de réévaluer en permanence la qualité de notre projet.

En mai nous avons accueilli les consultantes de la société Earthshot Labs, experte dans l’évaluation de la conformité et de l’intégrité de projects carbone basés sur la nature. Le programme d’audit était ambitieux puisque nous avons, avec elles, rencontré les communautés de 9 villages et évalué la croissance des arbres sur de très nombreux terrains. En parallèle, elles ont épluché tous les documents produits par nos partenaires South Pole et EcoAct, pour confronter ces données avec la réalité du terrain. Chaque interaction et observation suscite en général de nouvelles questions, toujours plus pointues et pertinentes, et la conclusion est toujours que rien ne remplace une visite sur le terrain.

Sur un terrain 2022 à Borohila, où les arbres ont bien grandi 😊

A Kofilakoro, juste après la danse d’accueil par les femmes du village

A Kofilakoro, étroitement encadrés par les enfants du village

« Photo de famille » après la visite de la forêt sacrée du village

Peer-group avec les femmes de Tiegbenna, pour aborder les questions de discrimination et de harcèlement

Notre sylvicultrice, Seny Balamou, mène la discussion avec les femmes et Ceci enregistre les réponses

Sur un terrain en présence de son propriétaire. Le chef superviseur traduit (il a appris l’anglais au Ghana)

Les femmes de Sokourala, fières de leur récolte de graines

A Faranwandou, devant la récolte des graines prêtes à être ensemencées.

Supervision éthique

supervision éthique

Conformément à l’engagement formulé sur notre site, nous avons mandaté le Centre Interdisciplinaire de Recherche en Ethique (CIRE) de l’Université de Lausanne pour jeter un regard critique sur notre action et identifier les points d’attention. L’approche interdisciplinaire du CIRE, qui rassemble des compétences en éthique de l’environnement, de la santé, de la formation ou encore du care, nous a convaincu. De par sa démarche contextualisée, le CIRE nous a semblé être l’institution susceptible de nous faire le plus progresser. Car, certes nous pensons faire les bonnes choses et les faire bien, mais on peut toujours faire mieux.

Le rapport du CIRE répond exactement à nos attentes. Nous sommes rassurés qu’aucune thématique nouvelle n’ait été relevée. Et nous nous engageons à trouver des solutions sur les problématiques soulevées :
• Nous aborderons ultérieurement dans ces actualités les points d’attention liés aux crédits carbone et à la sélection des investisseurs auxquels nous les vendrons.
• Sur l’aspect de la promotion des femmes nous sommes conscients qu’il reste encore beaucoup à faire. Du renforcement des groupements féminins existants à la formation des jeunes filles, en passant par la sauvegarde des savoirs sylvicoles détenus par les anciennes, les thématiques sont multiples. Nous voulons aussi mieux mobiliser les compétences de notre partenaire GUIDRE qui maîtrise parfaitement les formations destinées aux femmes (alphabétisation, soins liés à la maternité, prévention de l’excision, etc.). Lors de notre dernière visite à Damaro nous y avons fait la connaissance d’une autre ONG, partenaire de GUIDRE, qui soutient le développement des maraîchages féminins, avec laquelle nous avons hâte de collaborer. Bref, le champ des possibles est presque infini. A nous de l’exploiter, dans le cadre de nos statuts.
• Les questions de la rémunération des familles-graines seront abordées en juin, lors de la première répartition des « revenus carbone » dans la sous-préfecture de Linko. Nous veillerons à ce qu’une part de ces revenus soit consacrées aux familles-graines et aux communautés villageoises. Et ceci fera l’objet de délibérations au sein du Comité Coopératif (constitué, on s’en souvient, en majorité de femmes). Pour les superviseurs, notre ambition est de sécuriser au maximum leur emploi, au moins pendant les trois ans de la phase de plantation. Après avoir commencé tout au début par des contrats de 6 mois, puis de 10 mois, ielles ont désormais des contrats de 12 mois. Maintenant nous cherchons des solutions pour leur garantir également de véritables prestations sociales. Nous payons depuis le début des montants pour résoudre les situations de maladie et pour financer leur prévoyance, mais nous souhaitons une gestion de ces assurances accident/maladie respectivement caisse de retraite par des organismes spécialisés.
• La tension entre le consentement libre et éclairé et la pression sociale liée à la constitution de la Coopérative est complexe. Le but de toutes les institutions de gouvernance des biens communs telles que suggérées par Elinor Ostrom est justement d’introduire des règles, et donc des contraintes, pour mieux gérer le bien commun. Et il est vrai que cela exerce une pression sociale. Où est la limite entre la pression du groupe (et les avantages liés à l’union des forces) et la coercition ? Comment garantir que cette pression sociale ne s’exerce pas au détriment des plus faibles ? Sur cette question, la délibération, préconisée par le CIRE, est certainement le meilleur instrument pour faire ressortir d’éventuelles doléances liées au « trop de pression du groupe ».
Merci infiniment à Nicola Banwell pour tous les échanges inspirants et pour ce rapport très utile, reflétant la perspective éthique occidentale. La prochaine supervision éthique sera à coup sûr guinéenne !

Les mesureuses en action

Mesureuses en action

A Linko les familles-graines se transforment en « mesureuses ». Le cycle de plantation de trois ans est arrivé à son terme en 2024 et il n’est plus nécessaire de récolter des graines pour ensemencer de nouveaux terrains à Linko. Pour conserver le lien qui nous unit aux 370 familles-graines (principalement des femmes), nous leur avons proposé d’adopter un nouveau rôle, tout aussi essentiel, celui de « mesureuses ».

En effet, il est capital de connaître chaque année l’état de chacune des 840 parcelles reboisées depuis 2021. Ainsi ce seront les mesureuses qui visiteront les parcelles pour évaluer la croissance des arbres et vérifier leur bon entretien par les familles-terrains.

Dans chaque village nous avons constitué des binômes de mesureuses, chargées de la visite de 5 à 7 terrains dans un village proche (pour éviter toute forme de pression sociale). En tout, 187 binômes pour les 840 terrains du projet. Puisqu’ielles (il y a aussi des hommes parmi les familles-graines – et nous avons bien-sûr veillé à ce que les binômes ne soient pas mixtes) sont analphabètes à 99%, chaque binôme sera accompagné par un « guide » local, issu des Comités de Gestion Communautaire de chaque village, sachant utiliser un smartphone.

formation des guides  formation des guides à Linko

Dans chacun de nos 26 villages, nos superviseurs ont donc identifié une personne sachant maîtriser un smartphone. Ces personnes doivent être formées à l’application de géolocalisation QField et à la saisie de données dans un questionnaire en ligne. Mais lorsque la formation a eu lieu avec les 26 personnes, nous nous sommes aperçus que toutes ne disposaient pas d’un smartphone… Nous avons dû acheter 19 smartphones. Puis nous avons remarqué que leur maîtrise du smartphone se limitait à téléphoner et visionner des vidéos… Ce sont les aléas du terrain ! Au final, seuls 5 sur les 26 pouvaient véritablement servir de guides pour les mesureuses. Il a donc fallu trouver d’autres guides (sinon les 5 guides locaux en auraient pour 75 jours chacun). Nous les avons recrutés parmi les étudiant.e.s de l’ISAV qui étaient venus faire un stage sur notre projet en 2023. Puis il a fallu adapter le planning pour tenir compte des obligations de ces étudiant.e.s (remise des diplômes) et du ramadan (certains maris auraient pu être réticents à ce que leur femme joue leur rôle de mesureuse pendant le carême).

Les mesureuses ont commencé leurs visites début avril et l’ont terminé début mai, juste à temps pour préparer la réunion du comité coopératif avant l’Assemblée Générale des familles-terrains. 

Les 187 équipes de mesureuses et de mesureurs:

  • Ont visité 703 terrains
  • Ont parcouru plus de 650 kilomètres à pied dans les terrains
  • Ont mesuré 13’278 arbres du projet (inférieurs à 5m) et 5174 arbres déjà existants avant le projet (> 5m)
  • Ont évalué chaque fois: l’impact des feux, la qualité de l’entretien des terrains et les risques dus au bétail

C’est un travail de grande qualité pour une première tentative. Félicitations Mesdames et Messieurs ! Et merci, car cela permet au projet et aux familles-terrains de savoir exactement quelles parcelles sont bien (ou moins bien) entretenues et où les arbres poussent bien (ou moins bien). Ainsi il est facile de fournir des recommandations ciblées à chaque famille-terrain pour apporter les corrections nécessaires. Et en plus ces données correspondent aux images satellite !

8 mars – toutes soeurs

« En cette journée internationale des Droits des Femmes, célébrons la force, la résilience et la beauté de toutes les femmes ! Bonne fête à toutes les femmes de arboRise-Guidre ! #8Mars »

Seny Balamou, sylvicultrice de l’équipe Linko-Damaro

sororité

Notre projet ne serait rien sans toutes les femmes qui s’y engagent.

  • …comme récolteuses de graines,
  • …comme membres des Comités de Gestion Communautaires,
  • …comme déléguées de leur village dans le Comité Coopératif,
  • …comme mesureuses,
  • …comme superviseuses,
  • …comme sylvicultrices:

… des rôles multiples pour de multiples talents. MERCI Mesdames pour vos actions décisives !

Une lecture de référence en ce 8 mars: L’autre langue des femmes, de Léonora Miano.

L'autre langue des femmes

Et de trois !

Présentation à Diassodou

Diassodou, nous voici !

La campagne de reforestation 2025 vient de commencer avec dorénavant trois équipes de cinq personnes sur le terrain !

On se souvient qu’arboRise est actuellement présente dans deux régions :

  • A Linko – Damaro – Konsankoro (zone 1, en vert ci-dessous)
  • A Samana – Diassodou&Karala – Sokourala – Koumandou (zone 2, en bleu ci-dessous)

Trois zones

La planification de la zone 1 prévoit de reboiser 500 hectares par année. Etaler l’effort sur plusieurs années permettait de contenir les ressources nécessaires dans des limites raisonnables. L’inconvénient est que la séquestration de CO2 et donc les revenus carbone sont très faibles pendant de longues années.

Planification

C’est pour cela que nous avons opté pour un planning plus serré dans la zone 2, avec un deuxième cycle de plantation qui commence une année après le premier cycle. Ainsi, après avoir lancé le reboisement dans la sous-préfecture de Samana en 2024, nous lançons les opérations dans la sous-préfecture de Diassodou en 2025.

Comme avant l’ouverture de chaque sous-préfecture, nous avons procédé à une analyse détaillée du contexte de Diassodou : géographie humaine, zones protégées, couverture forestière et éligibilité, etc. Cette analyse nous permet de répartir l’effort de présentation du projet dans plusieurs groupes de villages. L’objectif de l’équipe de notre partenaire local GUIDRE, sur le terrain, est de présenter le projet à tous les villages de la région pour convaincre 25 villages de participer au projet.

groupes de villages

On voit ici la « photo de famille » après la présentation du projet aux autorités de la sous-préfecture de Diassodou:

présentation aux autorités

Puis l’équipe présente le projet dans toutes les communautés villageoises de la sous-préfecture, comme ici :

présentation au village signature convention village

Dans les villages qui décident rapidement de rejoindre le projet, l’équipe conclut les conventions avec les familles-graines et les familles-terrains intéressées. Et la délimitation des terrains peut avoir lieu.

convention famille-graine délimitation des parcelles

Audit de validation

audit de validation
Nous avons pu réaliser l’audit de validation de notre projet 😊 Pour l’équipe technique de South Pole, Nicolò, Tosca et Nele, c’est le couronnement de beaucoup d’efforts et de travail. Ce sont elleux qui ont rédigé le Project Description Document soumis à Gold Standard et audité ces derniers jours sur le terrain. Ce document décrit comment notre projet répond à toutes les exigences du standard de certification.
Avant de commencer l’audit, quelques journées de préparatifs ont été bienvenues, avec nos partenaires de South Pole et de GUIDRE. Notre objectif était de faciliter au maximum le travail des auditeurs en planifiant les activités avec les villages et en préparant les documents nécessaires. Bien entendu, comme avant un examen, c’était l’occasion de répéter ensemble les points forts de notre projet et d’anticiper d’éventuelles questions «pièges». Mais comme chacun sait, ce n’est pas juste avant un examen qu’il faut apprendre : il faut s’y prendre bien à l’avance, comme nous l’avons fait, consciencieusement, depuis trois ans.
approche à pied  approche en moto
Les terrains étant choisis aléatoirement, ils étaient peu accessibles, donc l’approche se faisait à moto et à pied
a proximité d'un village  le centre d'une placette de mesure
Le but était toujours la placette de mesure, au centre d’un rayon de 14,11m (625 m2) [40 placettes pour 500 ha]

Les deux auditeurs, Kuldeep et Manish, de la société Earthood, accompagnés de leur interprète, sont arrivés à Linko le soir du mardi 10 décembre et l’audit proprement dit s’est déroulé du 11 au 16. Ils avaient préalablement demandé à vérifier 48 documents du projet, comme par exemple les listes de participants aux formations, les comptes-rendus de la consultation des parties prenantes, etc.

Sur place, Kuldeep, l’auditeur responsable des aspects forestiers, s’est rendu sur 15 terrains choisis aléatoirement pour y vérifier les mesures de la baseline. Quant à Manish, responsable des aspects sociaux, il a interviewé plus de 50 personnes (familles graines, familles terrain, CGC, autorités, etc.) dans huit villages. Venant d’Inde il a bien sûr fallu assurer la traduction et répondre à leurs innombrables questions.

Diagnostic de la placette  Audit de la placette
 Mesure de la hauteur au clinomètre
Ama Diallo mesure la circonférence à hauteur de poitrine et Benoît Lelano mesure la hauteur avec le clinomètre.
 
Tant chez GUIDRE que chez South Pole il y a les acrobates pour mesurer la hauteur avec la perche graduée 🙂 
 
Tous les interviews des bénéficiaires se déroulent selon un protocole rigoureux et sont documentés.
Ensemble nous sommes également allés présenter le projet aux autorités de la sous-préfecture de Damaro, dans laquelle nous étendons nos activités dès 2025:
Présentation du projet aux chefs de village de Damaro
Au début les relations étaient relativement formelles, puis au fil du séjour, nous avons pu créer des liens plus personnels. Il faut dire que nous vivions tous les uns avec les autres 24h sur 24 dans un espace restreint, avec peu de moments seuls. Pas une seule tension malgré nos différences d’origines, de langues, de religions et de genres différents 😊
 
A gauche, notre cadre de vie pendant 5 jours. A droite: Nicolò et Edouard écaillent les poissons

Et alors ? avons-nous réussi l’examen ? Notre impression de cet audit de validation est bonne. Manish et Kuldeep ne nous ont communiqué que des améliorations mineures. Nous connaîtrons le résultat ces prochains mois. Les auditeurs et Gold Standard ont en effet la possibilité de procéder à trois « rounds » de questions-réponses, qui durent chaque fois environ 2 mois. Le verdict final tombera donc au plus tard en juin, avec très probablement, des demandes d’améliorations à apporter au projet d’ici aux audits suivants. Ceux-ci auront pour objectifs de vérifier que le projet continue à respecter les règles du standard et que les mesures dendrométriques sont réalisées dans les règles de l’art.

Mais pour l’instant toute l’équipe du projet mérite de vifs remerciements et un repos bienvenu.