Supervision éthique

supervision éthique

Conformément à l’engagement formulé sur notre site, nous avons mandaté le Centre Interdisciplinaire de Recherche en Ethique (CIRE) de l’Université de Lausanne pour jeter un regard critique sur notre action et identifier les points d’attention. L’approche interdisciplinaire du CIRE, qui rassemble des compétences en éthique de l’environnement, de la santé, de la formation ou encore du care, nous a convaincu. De par sa démarche contextualisée, le CIRE nous a semblé être l’institution susceptible de nous faire le plus progresser. Car, certes nous pensons faire les bonnes choses et les faire bien, mais on peut toujours faire mieux.

Le rapport du CIRE répond exactement à nos attentes. Nous sommes rassurés qu’aucune thématique nouvelle n’ait été relevée. Et nous nous engageons à trouver des solutions sur les problématiques soulevées :
• Nous aborderons ultérieurement dans ces actualités les points d’attention liés aux crédits carbone et à la sélection des investisseurs auxquels nous les vendrons.
• Sur l’aspect de la promotion des femmes nous sommes conscients qu’il reste encore beaucoup à faire. Du renforcement des groupements féminins existants à la formation des jeunes filles, en passant par la sauvegarde des savoirs sylvicoles détenus par les anciennes, les thématiques sont multiples. Nous voulons aussi mieux mobiliser les compétences de notre partenaire GUIDRE qui maîtrise parfaitement les formations destinées aux femmes (alphabétisation, soins liés à la maternité, prévention de l’excision, etc.). Lors de notre dernière visite à Damaro nous y avons fait la connaissance d’une autre ONG, partenaire de GUIDRE, qui soutient le développement des maraîchages féminins, avec laquelle nous avons hâte de collaborer. Bref, le champ des possibles est presque infini. A nous de l’exploiter, dans le cadre de nos statuts.
• Les questions de la rémunération des familles-graines seront abordées en juin, lors de la première répartition des « revenus carbone » dans la sous-préfecture de Linko. Nous veillerons à ce qu’une part de ces revenus soit consacrées aux familles-graines et aux communautés villageoises. Et ceci fera l’objet de délibérations au sein du Comité Coopératif (constitué, on s’en souvient, en majorité de femmes). Pour les superviseurs, notre ambition est de sécuriser au maximum leur emploi, au moins pendant les trois ans de la phase de plantation. Après avoir commencé tout au début par des contrats de 6 mois, puis de 10 mois, ielles ont désormais des contrats de 12 mois. Maintenant nous cherchons des solutions pour leur garantir également de véritables prestations sociales. Nous payons depuis le début des montants pour résoudre les situations de maladie et pour financer leur prévoyance, mais nous souhaitons une gestion de ces assurances accident/maladie respectivement caisse de retraite par des organismes spécialisés.
• La tension entre le consentement libre et éclairé et la pression sociale liée à la constitution de la Coopérative est complexe. Le but de toutes les institutions de gouvernance des biens communs telles que suggérées par Elinor Ostrom est justement d’introduire des règles, et donc des contraintes, pour mieux gérer le bien commun. Et il est vrai que cela exerce une pression sociale. Où est la limite entre la pression du groupe (et les avantages liés à l’union des forces) et la coercition ? Comment garantir que cette pression sociale ne s’exerce pas au détriment des plus faibles ? Sur cette question, la délibération, préconisée par le CIRE, est certainement le meilleur instrument pour faire ressortir d’éventuelles doléances liées au « trop de pression du groupe ».
Merci infiniment à Nicola Banwell pour tous les échanges inspirants et pour ce rapport très utile, reflétant la perspective éthique occidentale. La prochaine supervision éthique sera à coup sûr guinéenne !

Les mesureuses en action

Mesureuses en action

A Linko les familles-graines se transforment en « mesureuses ». Le cycle de plantation de trois ans est arrivé à son terme en 2024 et il n’est plus nécessaire de récolter des graines pour ensemencer de nouveaux terrains à Linko. Pour conserver le lien qui nous unit aux 370 familles-graines (principalement des femmes), nous leur avons proposé d’adopter un nouveau rôle, tout aussi essentiel, celui de « mesureuses ».

En effet, il est capital de connaître chaque année l’état de chacune des 840 parcelles reboisées depuis 2021. Ainsi ce seront les mesureuses qui visiteront les parcelles pour évaluer la croissance des arbres et vérifier leur bon entretien par les familles-terrains.

Dans chaque village nous avons constitué des binômes de mesureuses, chargées de la visite de 5 à 7 terrains dans un village proche (pour éviter toute forme de pression sociale). En tout, 187 binômes pour les 840 terrains du projet. Puisqu’ielles (il y a aussi des hommes parmi les familles-graines – et nous avons bien-sûr veillé à ce que les binômes ne soient pas mixtes) sont analphabètes à 99%, chaque binôme sera accompagné par un « guide » local, issu des Comités de Gestion Communautaire de chaque village, sachant utiliser un smartphone.

formation des guides  formation des guides à Linko

Dans chacun de nos 26 villages, nos superviseurs ont donc identifié une personne sachant maîtriser un smartphone. Ces personnes doivent être formées à l’application de géolocalisation QField et à la saisie de données dans un questionnaire en ligne. Mais lorsque la formation a eu lieu avec les 26 personnes, nous nous sommes aperçus que toutes ne disposaient pas d’un smartphone… Nous avons dû acheter 19 smartphones. Puis nous avons remarqué que leur maîtrise du smartphone se limitait à téléphoner et visionner des vidéos… Ce sont les aléas du terrain ! Au final, seuls 5 sur les 26 pouvaient véritablement servir de guides pour les mesureuses. Il a donc fallu trouver d’autres guides (sinon les 5 guides locaux en auraient pour 75 jours chacun). Nous les avons recrutés parmi les étudiant.e.s de l’ISAV qui étaient venus faire un stage sur notre projet en 2023. Puis il a fallu adapter le planning pour tenir compte des obligations de ces étudiant.e.s (remise des diplômes) et du ramadan (certains maris auraient pu être réticents à ce que leur femme joue leur rôle de mesureuse pendant le carême).

Les mesureuses ont commencé leurs visites début avril et l’ont terminé début mai, juste à temps pour préparer la réunion du comité coopératif avant l’Assemblée Générale des familles-terrains. 

Les 187 équipes de mesureuses et de mesureurs:

  • Ont visité 703 terrains
  • Ont parcouru plus de 650 kilomètres à pied dans les terrains
  • Ont mesuré 13’278 arbres du projet (inférieurs à 5m) et 5174 arbres déjà existants avant le projet (> 5m)
  • Ont évalué chaque fois: l’impact des feux, la qualité de l’entretien des terrains et les risques dus au bétail

C’est un travail de grande qualité pour une première tentative. Félicitations Mesdames et Messieurs ! Et merci, car cela permet au projet et aux familles-terrains de savoir exactement quelles parcelles sont bien (ou moins bien) entretenues et où les arbres poussent bien (ou moins bien). Ainsi il est facile de fournir des recommandations ciblées à chaque famille-terrain pour apporter les corrections nécessaires. Et en plus ces données correspondent aux images satellite !